Petit wrap up de l’été

On vient de célébrer l’équinoxe d’Automne, alors quoi de mieux que de revenir sur quelques très bonnes lectures réalisées cet été. Les styles sont assez différents : il y a un recueil de nouvelles, une dystopie feel good, un roman de dark fantasy/fantastique et enfin un essai/guide sur les genres et les transidentités.

La Mort de la phalène de Virginia Woolf

Résumé : Le présent ouvrage offre dans une séquence ordonnée des textes jusque-là dispersés dans trois ouvrages posthumes et d’autres encore, parus dans des revues ou des journaux.
L’Art du roman constituait une approche théorique de la recherche de Virginia Woolf. Ce recueil, qui lui fait pendant, pose les premiers jalons du  » roman de l’avenir « . Par ses hardiesses et par ses délires, par ses étonnantes réussites et ses errements, il ne se place pas en marge d’un itinéraire désormais refermé sur lui-même. Il le commente, le condense et le projette au cœur même de la controverse romanesque. Par là, il est indispensable à la connaissance d’une œuvre qui se place au carrefour de l’espace et du temps.

En voilà un qui prenait la poussière sur mes étagères depuis fort fort longtemps. J’ai une relation spéciale avec l’écriture de Woolf, découverte pendant mes années d’université non par mes études mais par celles de ma sœur qui faisait Lettres Modernes et qui avait toujours de bonnes recommandations pour moi. Mon premier livre fut donc, et de façon très classique, Mrs Dalloway dont je garde un très bon souvenir -même si très vaporeux. J’ai souhaité en lire davantage et je picore sa bibliographie depuis mais je dois avouer que ces lectures sont très exigeantes. L’écriture fleuve de Woolf, ce fameux flux de conscience qui sonde la psyché de ses personnages, leurs rêveries, leurs états d’âme, leurs pensées contradictoires et leur arborescence illogique, explore et réinvente le roman moderne en multipliant les possibilités narratives d’où résultent souvent une chronologie d’actions fragmentée et labyrinthique. C’est un flot littéraire qui vous submerge et qui demande un tri mental, une certaine concentration mais aussi, plusieurs relectures. Le format court des nouvelles n’épargne pas cela aux lecteurices.

Le recueil a été articulé en trois parties que le préfaceur intitule « le lyrisme descriptif », « l’élaboration épiphanique » et « la fixation de la recherche ». Cette articulation non chronologique essaie de mettre en exergue les recherches littéraires menées par l’autrice et dégage aussi ses thèmes forts. Dans la première partie, le lyrisme descriptif, les nouvelles se centrent autour de  » l’abandon à l’imaginaire où se traduit le débordement d’une subjectivité trop longtemps contenue » , « ‘ces grottes’ que Virginia Woolf creuse derrière ses personnages, ces ‘tunnels’ par lesquels elle ne se cesse de nous engager, où souvenirs et sensations s’enchevêtrent » (préface de Sylvère Lotringer). En résulte des nouvelles contemplatives, axées sur les sensations des personnages, un fort onirisme également. C’est probablement la partie où j’ai eu le plus de difficultés bien que les nouvelles soient la plupart très courtes ; le style y est souvent elliptique. Je ne sais toujours pas de quoi il en retourne réellement pour Une maison hantée, je suis resté.e hermétique au Quator à cordes ou Lundi ou mardi mais j’ai aimé les variations colorées de Bleu et vert très poétiques. J’ai particulièrement aimé la nouvelle Au verger dont l’héroïne dans un état de demi-sommeil devient le réceptacle de tout son environnement et dans une sorte de « projection astrale » jouant avec l’aérien et le terrien se nourrit du spectacle du quotidien : les écoliers récitant leu table de multiplication, le vent dans la plaine, le cri et le vol des oiseaux, la terre des champs cultivée et celle plus profonde intacte. La nouvelle suivante Le moment : nuit d’été est assez similaire sur ses sujets et nous offre des passages délicieux.

Alors voici, dans le pré, le meuglement des vaches ; à gauche, une vache répond, et toutes ces bêtes tranquilles semblent traverser le pré. La chouette égrène sa flûte d’eau. Mais le soleil s’est englouti sous la terre. Les arbres deviennent plus lourds, plus noirs ; on ne perçoit ni ordre ni suite dans ces cris, ces mouvements ; ils ne viennent d’aucun corps, mais de la gauche et de la droite. Rien n’est visible.

La deuxième partie « l’élaboration épiphanique » traite de la thématique du voyage réel ou immobile. Le voyage qui peut revêtir les atours d’un vagabondage est aussi ici « le glissement des habitudes, rejet des coques protectrices secrétées par l’âme », il « décuple les facultés d’accueil, d’absorption » et « l’être se fait regard« , « œil énorme« . Il est souvent question de fenêtre, de reflet, de lumière, de miroir. Les personnages de ses nouvelles se perdent dans des labyrinthes mentaux hypothétiques (on peut vraiment voir les pensées en arborescence se dessiner sous nos yeux) tout en se rappelant que toute vue de l’esprit n’est qu’une facette de la réalité et que l’on aperçoit le réel qu’à travers un trou de serrure. Les nouvelles les plus marquantes de cette partie sont à mon sens La Marque sur le mur, où l’héroïne se plonge dans la contemplation d’une tache sur le mur de son salon jusqu’à se rendre compte que c’est un escargot et Objets massifs où le protagoniste se désintéresse progressivement de sa carrière politique pour se consacrer à une collection de cailloux.

C’est agréable de penser au bois. Il procède de l’arbre ; et les arbres grandissent, et nous ne savons pas comment. Ils croissent des années durant, sans se préoccuper de nous, dans les prairies, dans les forêts, aux berges des rivières – des choses auxquelles on aime à penser. Par de chaudes après-midi d’été, les vaches font cingler leurs queues sous les ombrages. Ils teignent les rivières d’un vert profond, si bien que l’on s’attend, au sortir d’un plongeon, à retrouver toutes verdies les plumes de la poule d’eau. J’aime à songer aux poissons ; ils se balancent à contre-courant comme des drapeaux qui claquent au vent ; et aux scarabées d’eau qui dans le lit de la rivière construisent lentement des monticules de boue.

La troisième partie  » la fixation de la recherche » se concentre sur les ressentis des personnages et un sujet que je trouve passionnant : le langage ou notre (in)capacité à communiquer. Sylvère Lotringer parle dans sa préface de « miroir plus angoissant encore, puisqu’il n’offre plus aucun recours à l’illusion : il provoque, sans aucun intermédiaire, une dissociation de soi à soi, une distance par où s’engouffre l’incertitude, l’humiliation« . J’ai été sensible à plus de nouvelles dans cette partie notamment Ensemble et séparés où deux protagonitses présenté.e.s par Mrs Dalloway n’arrivent pas à faire tomber la barrière du langage et du paraître et restent en surface de leur rencontre ou encore Lappin et Lapinova qui étudie le langage vernaculaire que se crée un couple d’amoureux, protection conte le reste du monde et refuge intime, mais aussi le déséquilibre des attentes et des projections d’une vie amoureuse.

Si l’ensemble des nouvelles ne m’a convaincue, je reste toujours sous le joug de la fascination quant à l’écriture de Virginia Woolf. J’aurais un plaisir certain à redécouvrir d’autres facettes de ces nouvelles dans de prochaines relectures et peut- être ma sensibilité évoluera-t-elle et y trouverai-je de nouveaux sens cachés.

Un Psaume pour les recyclés sauvages de Becky Chambers

Résumé : Voilà des siècles, les robots de Panga ont accédé à la conscience et lâché leurs outils ; voilà des siècles, ils sont partis ensemble dans la forêt, et nul ne les a jamais revus ; voilà des siècles qu’ils se sont fondus dans les mythes de l’humanité.
Un jour, la vie de Dex, moine de thé, est bouleversée par l’arrivée d’un robot qui, fidèle à une très vieille promesse, vient prendre des nouvelles. Il a une question à poser, et ne rejoindra les siens qu’une fois satisfait de la réponse. La question : « De quoi les gens ont-ils besoin ? »
Mais la réponse dépend de la personne à qui on parle et de comment on pose la question. La nouvelle série de Becky Chambers s’interroge : Dans un monde où les gens ne manquent de rien, à quoi sert d’avoir toujours plus ?

Cela fait un moment que je vois passer les livres de Becky Chambers et que j’avais, moi aussi, envie de découvrir ses univers. Avec ce livre, je m’attendais à une lecture doudou et en fait j’ai été bouleversé.e. J’ai même versé mes larmes par moments. Je reste quand même sur l’intitulé de « dystopie feel good » car ici pas de post apo, pas d’humanité en perdition, de survie et de TW dans tous les sens. Non, Un psaume pour les recyclés sauvages nous donne à voir un monde certes imparfait mais qui a réussi à dépasser ses problématiques environnementales, à se (re)construire progressivement et à s’apaiser. Alors, tout va bien ? Eh bien, ce n’est pas forcément le ressenti de notre protagoniste Dex qui quitte le cocon de son quotidien pour devenir moine de thé et trouver ce qui « manque » à sa vie. Sa rencontre avec Omphale tachetée splendide, robot cherchant à honorer un vieux contrat reliant son espèce à celle de l’humanité va faire voler en éclats ses doutes et ses certitudes.

Le très court format de cette novella ne laisse jamais le temps de s’ennuyer : des premiers passages cozy montrant Dex s’essayant au métier de moine de thé avec son lot d’échecs et de réussites on passe à un style « aventure initiatique », aux côtés de ce robot flegmatique et curieux. On va suivre la relation naissante entre ces deux êtres que tout semble opposer et voir que leurs quêtes ne sont pas si étrangères. Je trouve que Dex est très bien écrit.e et l’on peut s’identifier facilement à ellui et à ses questionnements. Avec un fond latent de dépression, Dex se heurte à la vie avec insatisfaction, frustration, peine, douleur mais aussi avec des moments de joie et de délice. Toute la nuance de ce.tte personnage nous lea rendent accessible et palpable et Chambers, en quelques mots seulement, nous brosse des sentiments séculaires et universels, avec justesse. Certain.e.s qualifient le style de l’autrice de ‘simple’ et je trouve cela juste sans connotation négative, pas de fioritures malgré un univers riche, pas de sentimentalisme non plus. Juste une histoire de quête de sens dans la vie qui résonnera je pense à l’oreille de beaucoup.

Dans la vie, parfois, arrive un moment où on a absolument besoin de foutre le camp de la ville. Même si l’on a passé toute sa vie d’adulte e ville, comme froeur Dex. Même si la ville est une ville super, comme la seule ville de Panga. Même si tous vos amis y vivent, même si tous les bâtiments qu’on aime s’y trouvent, tous les parcs dont on connait le moindre recoin secret, toutes les rues que vos pieds empruntent sans réfléchir.

La Cité diaphane d’Anouck Faure

Résumé : Merveille architecturale élancée vers le ciel, Roche-Étoile a connu la splendeur et la chute. La cité sainte de la déesse sans visage est maudite, réduite à l’état de nécropole brumeuse depuis que les eaux de son lac et de ses puits se sont changées en poison mortel.
Sept ans après le drame, l’archiviste d’un royaume voisin se rend dans la cité défunte avec pour mission de reconstituer le récit de ses derniers jours. Mais il s’avère bientôt que Roche-Étoile abrite encore quelques âmes, en proie à la souffrance ou à la folie, et celles-ci ne semblent guère disposées à livrer leur témoignage.
Un jeu de dupe commence alors entre l’archiviste et ces esprits égarés, dans les dédales d’une cité où la vérité ne se dessine qu’en clair-obscur, où dénouer la toile du passé peut devenir un piège cruel.

On change totalement d’ambiance ici avec ce roman de dark fantasy/fantastique qui flirte allégrement avec l’horreur cosmique. Je connaissais déjà l’œuvre picturale d’Anouck Faure que j’avais découverte avec son travail graphique sur le roman Zhaodi (chronique ici) mais je ne savais pas qu’elle écrivait également. Lorsque j’ai vu passer ce livre sur les réseaux sociaux et que son univers était souvent comparé à celui de la saga de jeux vidéos de From Software, Dark Souls comment dire que je n’ai pas hésité longtemps à me le procurer. Et puis soutenir les petites maisons d’éditions françaises qui impriment leurs ouvrages sur le sol français et encouragent les littératures de l’imaginaire c’est lier l’utile à l’agréable. Un grand merci à Argyll Editions pour le travail de qualité mené sur ce roman qui en plus est illustré par l’autrice elle-même !

Parler de ce roman est difficile car il est très dense malgré ses 250 pages et comporte quelques petit plot twist qui redéfinisse la dynamique générale de la narration. Allergiques aux récits enchâssés, passez votre chemin car le développement de l’histoire se fait tout en sinuations et détours. Mais ce que je peux vous dire c’est que l’on est directement happé.e dans le récit par la plume onirique et atmosphérique de l’autrice, bien qu’il faille accepter de se perdre dans les brumes de Roche-Etoile pour comprendre l’histoire de cette cité. Le petit bémol que je pourrais relever serait les personnages que j’ai trouvé peut être trop évanescents, le personnage principal de l’archiviste se taillant la part belle du récit avec une narration à la première personne mettant les autres protagonistes à l’écart.

L’ascension vers Roche-Etoile me parut bien longue, rythmée par ce battement dont les montagnes me renvoyaient l’écho. Des images naissaient en moi, tirées de mon imagination fertile d’archiviste pour qui les poncifs des récits de voyage n’avaient plus aucun secret. Des siècles de témoignages de pèlerins venus visiter les sanctuaires de la déesse sans visage faisaient état de la magnificence de Roche-Etoile, d’autant plus éclatante qu’elle défiait les terres d’ombre et de mort.

J’ai adoré l’audace graphique de l’autrice et son ingéniosité folle en matière de bestiaire et de métamorphoses ; le roman regorge de créatures hybrides, de transmutations en tout genre. Certaines créatures ne sont pas sans rappeler les monstres et autres boss que l’on croise dans les jeux de la franchise dont le roman s’inspire (je pense notamment au vicaire Amelia de Bloodborne, à la Danseuse de la vallée boréale et à Aldrich le dévoreur de dieux de Dark Souls III). D’ailleurs, j’adorerai d’autres aventures se déroulant dans l’univers de la Cité diaphane et en explorant le lore, encore plus en profondeur .

Le petit bémol que je pourrais relever serait les personnages que j’ai trouvé peut-être trop évanescents, le personnage principal de l’archiviste se taillant la part belle du récit avec une narration à la première personne mettant les autres protagonistes à l’écart ou les faisant paraître comme des faire-valoir un peu trop stéréotypés.

Une question m’est venue tout de même à la lecture : ce roman qui, à bien des égards, se pare des atours du fan service : peut-il toucher un lectorat qui ne connaîtrait pas l’univers auquel il fait référence ? Je pense sincèrement que l’on peut répondre par l’affirmative. La maîtrise du récit et de sa construction narrative qui nous fait prendre des virages dès que l’on sent que l’histoire pourrait mener à une impasse, la création de l’ambiance développée avec brio et enfin des personnages énigmatiques qui nous font passer par un spectre émotif large contribuent à faire ce livre un petit ovni littéraire qui trouvera son public de façon certaine.

Et pour profiter un maximum de l’ambiance je vous recommande de lire ce roman en l’accompagnant des bandes originales de Dark Souls III et Bloodborne un régal immersif.

Une Histoire de genres de Lexie

Résumé : À l’heure où les questions de genre et d’identité sont de plus en plus présentes dans l’espace public, voici un guide qui déconstruit tous les préjugés, les abus de langage, les non-sens liés aux transidentités, afin de mieux les comprendre et de donner les armes pour s’en émanciper. Car si être trans est une histoire de rapport de soi à soi, de prise de conscience individuelle, c’est aussi un rapport à des normes et constructions sociales, culturelles et historiques.
Véritable prolongement du compte Instagram sur lequel Lexie s’emploie avec patience et grande rigueur à éduquer sur les questions de genre, ce livre est une vraie boussole et un outil d’empowerment pour les personnes trans qui sont souvent isolées, moquées, stigmatisées et font l’objet de violences extrêmes ; mais aussi pour les non trans, concernés ou non, car au-delà des transidentités, c’est sa propre place dans la société et le traitement des différences qu’il s’agit de questionner.

Comme je l’ai évoqué dans mon billet sur ma PAL du PAC 2023, j’aime lire des essais mais je mets une éternité à les finir ce qui des fois me retient de me lancer dans ces lectures. Pourtant, j’adore apprendre et me documenter sur le monde qui m’entoure, il faut juste que j’apprenne à accepter le fait qu’un essai me prend des semaines là où un roman ou un recueil ne me prend que quelques jours et que c’est ok.

J’ai donc mis du temps à lire ce Guide pour comprendre et défendre les transidentités mais j’ai grandement apprécier ma lecture. Déjà le style fluide et interpellant de Lexie est très agréable. L’autrice nous délivre des informations et des ressources sans jamais nous noyer sous leurs masses et tout en infusant des éléments de réflexions et de questionnements. Coutumière des réseaux sociaux et de leur aspect ludique et de leur format condensé, Lexie construit son guide de façon interactive, chaque partie étant clairement identifiée et parfois alimentée de petits encarts qui reviennent et développent une idée évoquée sans alourdir la lecture. De plus, la fin de chaque grande partie est accompagnée du portrait d’une identité trans telle que Océan, le comédien et auteur français ou encore Sophie Labelle artiste militante québécoise. Aussi, on trouve un lexique riche en fin d’ouvrage qui revient sur les termes importants de l’ouvrage afin de pouvoir s’y référer tout autant de la lecture (oui j’aime les lexiques!).

Voilà pour la forme que l’autrice a tenté de rendre le plus clair et didactique possible. Mais le fond n’est pas en reste : s’adaptant aux différent.e.s lecteurices auxquel.le.s elle s’adresse, l’autrice, qui a rédigé son ouvrage en écriture inclusive neutre, a à cœur de délivrer un message des plus réalistes mais aussi des plus bienveillants. Prenant en compte les réalités sociales, administratives et historiques de la question des genres, ce guide est une mine d’informations pour les personnes qui approcheraient le sujet pour la première fois mais également pour celles qui y seraient plus familières. Des conseils les plus simples comme les sujets de conversations difficiles à éviter (deadname, coming out, etc) ou les procédures de transition (médicales, chirurgicales, hormonales) détaillées sans détour, l’ouvrage essaie d’être le plus exhaustif possible.

L’une des parties que j’ai trouvé le plus intéressantes était celle sur les transidentités autour du monde et à travers les siècles. Avec son regard d’historienne de l’art, l’autrice déconstruit l’idée fausse des boomers que les identités de genre seraient une problématique récente que la nouvelle génération « wokiste » jetterait à la face des générations précédentes juste pour faire leurs intéressant.e.s. Ainsi, on apprend que la stèle d’Hammurabi (v. 1792-1750 av. J.-C) que l’on peut voir au Louvre mentionne des personnes identifiées comme « salzikrum », terme sumérien amalgamant deux mots que l’on pourrait traduire par « femme-homme ». Ces personnes étaient liées aux statuts sociaux de prêtresses mais aussi à celui des eunuques et tenaient de hautes fonctions dans la société. Les salzikrum qui seraient aujourd’hui objectivement appelées femmes trans bénéficiaient également d’une législation particulière (adoption d’un enfant du genre opposé, jouissance de leur dot en cas de manquement à l’obligation de gestion par leurs proches parents). Par les études historiques qu’elle expose et condense, l’autrice rappelle aussi l’importance du décloisonnement des pratiques et des recherches et leur ouverture à des personnes s’éloignant de la majorité actuelle dans ce domaine (les hommes cis blancs) pour (re)construire une archéologie du genre empouvoirante.

Je pourrais vous parler encore longtemps de cet ouvrage et des nombreux points qu’il souligne, comme l’importance de la représentation positive des personnes trans dans les arts et les médias (coucou Heartstopper <3) mais je pense que le mieux serait encore que vous le lisiez, il vous apprendra assurément quelque chose.

L’un des enjeux identitaires des personnes trans est donc de comprendre que leur genre ne dépend pas de leurs organes génitaux, et que l’assignation de naissance est le fruit de conventions culturelles et historiques, et non un signe de la nature. Il s’agit aussi pour elles d’emprunter un chemin profondément personnel d’acceptation et d’amour de soi, en apprenant à se libérer du regard extérieur. Cela est d’autant plus nécessaire que l’affirmation de la transidentité exclut. Elle isole spécifiquement par un rejet, une sorte de codes culturels très ancrés dans le temps et malheureusement érigés en norme unique.

J’espère à travers ce billet vous avoir donné envie de découvrir ces ouvrages et je vous souhaite à toustes une très belle nouvelle saison de lectures.

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